Interrompre la journée par une pause-café ... voilà une habitude à laquelle personne ne saurait renoncer... C'est encore plus agréable et plus pratique si l'on dispose d'un petit terrier douillé celui du LAPIN BLANC.

Nouvelles, un poèmes, un extraits de livres, créations personnelles ou Bric & Brac, petits trucs qu'on peut trouver un peu partout sur le Oueb ou entendre dans la vie de tous les jours.

Je reste à votre écoute pour vos demandes, corrections, recommandations ou commentaires .

Avec le LAPIN BLANC laissez vous bercer et voyagez le temps d'un clique à travers les délires les plus farfelus mon cerveau rêveur.

Je vous souhaite une agréable lecture.

Acouphène

J’ai ouvert les yeux. Cette fois encore, je n’arriverai pas à les refermer. Je sens encore l’adrénaline courir dans mes jambes, rendant mes muscles durs et douloureux, laissant mon cœur palpitant et mon souffle court.
Cette fois encore, mon rêve avait une saveur de réalité peu plaisante, et je savais qu’il me faudrait un moment avec d’en dissiper les effluves. J’avais rêvé de guerre. Non pas les guerres d’enfants qui font semblant, de héros d’anthologie qui sauvent leur peau comme on sauve un navet, un synopsis plus que moyen qu’on tente de rattraper en multipliant les sauts de cabris et les roulades de rugbymen
.

 Cela n’avait rien de comparable. J’ai vu des maisons autour de moi, s’effondrant comme si elles étaient faites de cartons collés, le désespoir de ses habitants, pour lesquels j’ai eu tant de pitié. J’ai vu tout un pan de la maison de mon voisin s’effondrer sous la déflagration d’une bombe. Là-haut, une série de personnes appuyaient sur une série de boutons qui lâchaient une série de bombes, créant sur leur passage une ligne propre au sol. Je me suis dis que s’il prenait à un pilote la fantaisie de dévier d’un pouce sa trajectoire, une légère excroissance naîtrait sur sa jolie ligne toute droite, comme un battement de cœur sur un encéphalogramme. Mon paysage sans arrêt se modifiait. J’étais à l’arrière d’un camion militaire nous évacuant, moi et une flopée d’autres personnes. J’ai vu la ville défiler, puis la rase campagne. Ça puait comme dans une cage de lapins. Et au moment même où j’ai pensé que sur une route, nous étions si repérables que j’aurais tout aussi bien pu sortir la tête du camion pour tirer la langue aux avions, le véhicule s’est immobilisé. Nous étions en danger, et j’ai senti la panique refluer.

Tout le monde est sorti en trombe, qui pour se battre, l’arme au poing, qui pour s’enfuir. Avec horreur, je me suis rendue compte que mes parents étaient avec moi. Nous avons couru sur le bas côté. C’est bien comme cela qu’il faut faire, n’est-ce pas ?

Dans les films, quand un danger approche, les personnages se jettent promptement sur le bas côté. Au temps pour moi, dans les films, il y a toujours un taillis bien placé, des buissons touffus ou au mieux, une forêt tropicale bienvenue. Je ne voyais pour ma part qu’une plaine d’herbes hautes, et bien au delà du raisonnable, un petit bois, hors de portée. Ma mère et moi nous sommes couchées au sol, espérant couvrir notre fuite entre deux touffes de rhododendrons.

 J’ai entendu des bruits assourdissants, des cavalcades, des cris, et surtout, j’ai vu mon beau-père s’éloigner vers le petit bois. J’ai tenté de crier pour l’arrêter, lui crier de revenir se cacher avec nous, peine perdue. Une trouille sans nom m’a fait tâtonner vers la droite pour tenter de toucher ma mère, m’assurer qu’elle était bien aplatie au sol. Et puis un moment, tout s’est arrêté. J’ai relevé la tête, puis le buste et je me suis redressée sur mon bas côté.

Il n’y avait plus rien, plus de camion, plus de danger, plus personne. J’étais seule. La route, déserte, a vibré en harmonie avec le silence environnant. J’étais seule, nous étions en guerre, j’avais perdu tous ceux que j’aimais, et pourtant, tout ne faisait que commencer. Dans mes oreilles a raisonné un silence assourdissant, comme un acouphène insupportable, celui que j’entendais quand je rêvais que j’étais morte.

                                                                                                    Mauricette Voisin

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